Après 2 ans de débat, la fameuse directive relative aux copyrights a été votée ce Jeudi 5 Juillet au Parlement Européen. Sensée moderniser les droits d'auteur afin de remplacer une loi datant de 2001, cette réforme a créé la polémique à l'échelle européenne. CMC Studio vous livre des explications sur la situation et les différents points de vue.
1 - Le projet de réforme
Les députés européens ont voté ce Jeudi 5 Juillet 2018 la directive relative aux droits d'auteurs dans l'Union Européenne. Avant toute chose, une directive est un acte législatif qui fixe des objectifs à tous les pays de l'UE. Toutefois, chaque pays est libre d'élaborer ses propres mesures pour les atteindre. C'est donc un texte important qui concerne tous les acteurs des pays membres de l'Union Européenne.
Cette réforme, proposée par la Commission européenne en 2014, a pour but de moderniser les règles sur le droit d'auteur, afin de remplacer la dernière législation à ce sujet datant de 2001. En effet, cette dernière est devenue obsolète sur de nombreux points suite à l’avènement du numérique. L'idée fondamentale concernait ainsi une meilleure rémunération des créateurs de contenu, y compris des artistes, par une meilleure protection de leurs réalisations. Cette directive prévoit par exemple un meilleur encadrement de la diffusion de ces contenus sur des plateformes comme Youtube.
Or, cette directive comprend quelques articles qui ont suscité une forte contestation de la part de nombreux acteurs du digital. La rigidité de certains textes est ainsi controversée au sein de l’Union Européenne. En guise d’exemple, ce texte aurait obligé YouTube à filtrer de manière beaucoup plus précise tous les contenus avant publication, pour ainsi faciliter la juste rémunération des créateurs originaux.
2 - Les critiques et soutiens au projet
De nombreuses critiques ont été émises face à cette directive, ce qui a provoqué la création de deux camps en totale opposition. D'un côté : les artistes et les créateurs de contenu de manière plus générale. De l'autre : les géants d'internet et les défenseurs des libertés numériques.
Les artistes et leurs représentants sont en effet pour un texte qui oblige les grandes plateformes du web à filtrer avant diffusion le contenu protégé ou à nouer obligatoirement des accords de rémunération. Ils plaident pour une plus grande protection de leurs œuvres à l’ère du numérique où beaucoup de contenu circule sans difficulté sur internet. Selon eux, ces plateformes se sont notamment développées grâce à leurs contenus, et ce sans les rémunérer assez, voire pas du tout, en hébergeant illégalement des contenus protégés par le droit d’auteur.
En effet, c’est l’utilisateur qui poste une œuvre sans en détenir les droits qui est jugé comme responsable, et non directement la plateforme. Cette dernière se retrouve seulement coupable une fois le contenu illégal signalé, et n’est donc pas responsable lors du filtrage.
Afin de faire entendre leur voix, un collectif de 70 artistes dont Jean Jacques Goldman, Jain ou encore Julien Doré, avait publié la veille du vote, une tribune dans le journal Le Monde. Regroupés autour de la même cause, les artistes se disent « très choqués de voir aujourd’hui qu’un texte sur le droit d’auteur [...] fasse l’objet d’une campagne de désinformation au service des grandes puissances du numérique », et stipulent que « l’objectif de cette nouvelle directive n’est pas d’imposer un filtrage ou une quelconque censure sur Internet, mais au contraire de permettre de mieux identifier les œuvres diffusées sur les plates-formes numériques et de rémunérer leurs auteurs ». Ils justifient par la suite leur position avec l’argument que ces puissantes plateformes sont dorénavant des diffuseurs comme les autres qui doivent ainsi être responsables à leur tour.
Les acteurs du "contre" sont eux beaucoup plus nombreux, puisqu'ils représentent notamment tous les grands groupes de la Silicon Valley dont Google. Ces derniers craignent la mise en place d'un système de filtrage tellement compliqué qu'il pourrait engendrer une censure numérique à l'échelle européenne. Ces grandes entreprises ont été par la suite soutenues par de nombreux internautes souhaitant défendre la liberté sur le net.
3 - L’issue du vote
Les eurodéputés ont finalement refusé ce Jeudi 5 Juillet, par 318 voix contre 278, de valider la directive européenne. La commission des affaires juridiques ayant travaillé sur ces textes va donc devoir réaliser une nouvelle version de ce projet législatif dès Septembre prochain.
C'est donc une victoire à l'échelle européenne pour les géants du web, qui voient l'échéance d'un texte législatif moderne encadrant les droits d’auteur repoussée. L'ensemble des représentants de l'industrie musicale européenne quant à eux, se disent prêts à continuer la lutte pour une rémunération plus juste des créateurs.
4 - Un problème plus profond
"La campagne de désinformation orchestrée par les porte-voix des GAFA constitue un problème démocratique" a stipulé David El-Sayegh, secrétaire général de la SACEM. Une intense campagne de lobbying aurait en effet été organisée par les GAFA (acronyme pour les géants d’Internet : Google, Apple, Facebook et Amazon). Des centaines de milliers de mails auraient notamment été envoyés automatiquement aux députés avant le vote crucial.
Une opération pour « sauver internet » a aussi vu le jour, définissant le projet européen comme un début de suppression des libertés numériques. De nombreux internautes effrayés par une directive législative complexe ont ainsi adhéré aux nombreuses pétitions lancées en ligne. De toutes parts ce vote a ainsi provoqué la mise en place de campagnes pour convaincre les citoyens et faire pression sur les députés.
Certaines entreprises n’ont donc pas hésité à communiquer massivement autour de cette directive. Wikipedia a par exemple fermé son site en Italie en guise de protestation à l'approche du vote, et des chaînes comme TF1 ont annoncé publiquement leur position au sujet du texte. Mais parmi les annonces diffusées sur le rapport et ses aboutissants par les différents antagonistes, un grand nombre d'entre elles étaient en fait erronées. L’industrie de la musique britannique a notamment publié un rapport sans preuves sérieuses sur un certain montant de 31 millions d’euros que Google aurait dépensé afin d’influencer le vote. Enfin, certaines associations militant pour la liberté d’internet n’ont pas hésité à extrapoler les textes de la directive, en la décrivant comme une loi liberticide.
Trouver un compromis adéquat à l’heure du numérique où les informations -qu’elles soient vraies ou fausses- se diffusent si facilement, sera donc un véritable défi pour l’UE.
Sources :
- Le Monde
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